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Les stores décomposent la lumière qui filtre à travers la fenêtre, la séparant en feuilles d’or minces et soignées.
Le mur contre lequel repose mon lit est traversé d’un côté à l’autre par une fissure qui s’est ouverte des années auparavant et a inexorablement avancé comme un désert. Maz n’est pas dans son lit. Je ne sais pas s’il s’est réveillé tôt ou s’il a passé toute la nuit sur l’ordinateur. Je me lève et le rejoins dans le salon. Il me salue sans lever les yeux de l’écran.
« Il y a du café dans la cafetière »
J’en verse un peu dans une tasse. Il est vraiment bon pour faire du café.
« Quand ce bordel sera terminé, je dois t’amener prendre un café dans un bar que je connais, le gère un mec qui avant faisait des braquages. Il fait le meilleur café de la ville, je te jure que tôt ou tard je t’y emmène »
Je l’entends sourire sans se retourner.
« Inch’Allah. »
Maz est marocain. Son nom est Mohammed Aziz, il est né à Marrakech mais a grandi ici. Il a déménagé avec sa famille quand il avait quatre ans. Le père se casse le dos dans la logistique, il est l’un des plus actifs du syndicat. Depuis le début de la pandémie, ils l’ont déjà dénoncée à plusieurs reprises pour les blocages et les grèves.
Maz ne parle pas beaucoup. Encore moins en marocain; le seul mot qui répète est « Inch’Allah ». Il le dit quand il veut ardemment quelque chose, quand son espoir se matérialise et devient tridimensionnel. Quand ses sentiments occupent la pièce au lieu des mots qu’il n’arrive pas à dire.
« alors, quoi de neuf? » je lui demande.

Il éloigne le fauteuil du bureau, puis tende un bras et appuie sur Entrée.
«Encore des milliers de morts. Beaucoup de médecins et d’infirmiers. Le nouveau Décret établit l’arrivée des forces spéciales. En outre, nous devons tous télécharger une application sur le téléphone qui informe le gouvernement en temps réel de nos mouvements. Si le téléphone a borné loin de notre résidence, part le signalement »
« Nous laisserons le téléphone à la maison – je dis ça comme ça pour avoir l’air optimiste – Les autres? »
« Ils dorment, je pense »
Daria apparaît sur la porte,elle porte déjà la tenue de camouflage. Elle prend le masque du rebord de la fenêtre et le regarde un instant.
« J’ai besoin de sortir. »
«Il y a les forces spéciales qui rodent, plus tous les délateurs»
« Je sais, j’ai entendu. Mais je dois aller voir Evelyn. »
Quand Daria décidait quelque chose, il était impossible de lui faire changer d’avis. Nous sommes restés comme ça, à nous regarder sans un mot, sans trouver la force de l’entraver ni celle de la saluer.
« Je serai bientôt de retour », a-t-elle dit.
« Inch’Allah, » répondit Aziz, continuant à écrire à l’ordinateur.

L’état de crise sanitaire en Italie à la suite de l’urgence du coronavirus était fortement conditionné par l’état de santé dans lequel se retrouvait le Système national de santé après les choix politiques faits par les différents gouvernements au cours des vingt dernières années.
Deux problèmes fondamentaux qui ont émergé de la gestion hospitalière du coronavirus étaient:
– la surcharge des hôpitaux due à l’insuffisance de lits, notamment dans les unités de soins intensifs
– le manque de sécurité du personnel de santé qui a fini par infecter d’autres patients et les membres des familles.
Une période de contraction budgétaire a commencé à partir de la crise de 2008 qui a conduit à l’affaiblissement du Système national de santé mais qui malgré les réductions et les trous a réussi à rester debout jusqu’à quand il a fallu gérer des situations normales.

Face à l’urgence sanitaire, cependant, tous les problèmes liés au démantèlement du système de santé italiens sont apparus, les réductions du personnel, la fermeture des services, l’innovation technologique des structures inefficace, l’évasion fiscale de la gestion hospitalière. Le décret «  Cura Italia  » (Soigne Italie ndt.) a l’arrogance de mentir en cela, faisant croire que l’embauche de 100 opérateurs hospitaliers et un prêt de dernière minute (ce qui ne correspond minimement à la somme qui a été expropriée à la santé publique dans les 10 dernières années), peuvent suffire à résister à la pression de ces jours. L’OMS a modélisé la propagation de la maladie en informant les différents États pour permettre l’organisation d’une gestion plus consciente, immédiate et préventive de l’urgence coronavirus.

L’Italie a la responsabilité politique d’ignorer le problème jusqu’à ce que le virus se propage largement dans le nord, là où paradoxalement se situent les pôles d’excellence des structures nationales de santé publique.

l’État, conscient des pénuries sanitaires ne s’est pas soucié de tûteler la vie des gens qui traversent le pays jusqu’à ce qu’une pandémie éclate. Ont également été ignorées les directives de confinement de l’urgence adoptées en Chine, où des test à tapis ont rapidement été mis en place sur l’ensemble de la population, ce qui a permis à la première nation touchée par le coronavirus d’atteindre pratiquement 0 tests positifs par jour.

Le pourcentage très élevé de décès et de positifs aux tests indiquerait que le niveau de contagion est bien supérieur à ce que l’on sait, mais dans ce cas aussi, l’absence de personnel dans les centres d’analyse et la mauvaise gestion du problème par le gouvernement , jouent un rôle décisif.

Si, d’une part, nous entendons maintenant la même classe politique qui a conduit à l’inefficacité de la gestion de Covid-19 remercier le personnel de santé, alors que ceci est abandonné depuis des années avec le peu de moyens dont il dispose. Après tout, Giorgietti lui-même (Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil des ministres jusqu’à mi 2019 et bras droit de Salvini ndt) ne parlait-il pas de l’abolition des médecins généralistes jusqu’à l’été dernier?

En Campanie (région du sud de l’Italie ndt), cependant, nous assistons aux dérives autoritaires du shérif De Luca (président de la région ndt), qui, tout en invoquant les carabiniers avec des lance-flammes, ignore que sa région est la dernière du territoire national dans le rapport population-tampons réalisés. Mais il est évidemment beaucoup plus simple de nous faire croire que nous sommes en guerre vu que les dix dernières années de coupures dans la santé ont été réinvesties dans la défense et les armes, et que le problème doit être géré dans le contexte du contrôle social et de la répression plutôt que révéler que la source est d’une toute autre entité.

Pendant ce temps, Cuba envoie une aide médicale au Venezuela et se prépare également à soutenir l’Italie, car eux, qui ont toujours été plus prévoyants que les Italiens sur l’importance d’un service de santé public et gratuit, n’achètent pas de brevets pour un vaccin hypothétique, condamnant le reste du monde à mort, comme le font nos amis et alliés américains. Les mêmes Américains auxquels nous fournissons des masques, justement ces masques dont le personnel médical italien déplore l’absence depuis le début de l’urgence, les mêmes Américains qui sanctionnent Téhéran alors que celle-ci est un peu plus occupée qu’eux à se confronter avec la mort de ses frères et sœurs.

Mais revenons un instant en Italie et comparons quelques chiffres issus de l’enquête sur le système de santé. À l’heure actuelle, les mesures préventives mises en place, notamment dans le sud de l’Italie, ont surtout pour rôle d’éviter l’effondrement total de la santé. Considérant que la plupart des régions du sud de l’Italie sont soumises à des plans de retour.

En 2017, 42% du total des ressources financières pour la santé ont été dépensés dans les régions du nord de l’Italie, 20% pour le centre, 23% pour le sud et 15% les régions à autonomie spéciale. En cela, il nous aide à la compréhension observer la moyenne nationale des lits disponibles dans les établissements de santé publics qui est de 2,5 × 1 000 habitants, sauf pour le Frioul où les places sont de 5 × 1 000 habitants (la seule région qui respecte la réglementation de l’OMS).

Dans le sud de l’Italie, plus de 50% des familles ont renoncé au cours de la dernière année à se soigner à cause de longs délais d’attente ou à cause des frais des visites médicales, dans le nord, nous parlons du 21%, mais ce n’est certainement pas un chiffre encourageant. Pour toutes ces raisons , de plus en plus de familles ces dernières années se sont tournées vers les cliniques privées pour surveiller leur état de santé malgré le fait que le coût du service soit plus élevé que dans le public, ceci est principalement dû aux longues périodes d’attente mais aussi l’inefficacité et l’extrême bureaucratisation du service fourni, ce qui rend l’accessibilité difficile. Un élément important à souligner davantage est certainement que le public et le privé en plus d’avoir une organisations et des temps différents, se financent et se régénèrent avec des systèmes différents les uns des autres: tandis que les cliniques privées obtiennent des crédits et des subventions avec le nombre de prestations et d’hospitalisations, le public est maintenu sur la base du niveau de prévention, c’est pourquoi le nombre de services qui ferment surtout dans les petites villes est très élevé.

Actuellement, sur une population de 60 millions d’habitants, il y a 5090 lits en soins intensifs, donc chaque million d’habitants il y a 84 lits. Ce chiffre est absolument insuffisant et apparemment inadapté à la gestion d’une urgence sanitaire. Encore plus alarmant par rapport à d’autres pays (en Allemagne, il y a 28 000 places en soins intensifs). Selon l’OMS, en Italie, on est passé de 922 lits pour les cas aigus en 1980 à 275 en 2017. Les mêmes chiffres peu rassurants s’étendent également à l’analyse de ce qui concerne les opérateurs des structures publiques, selon les données de Censis (Centre d’Étude des Investissements Sociaux, institut de recherche socio-économique ndt) de 2009 en 2017, le personnel de santé était réduit de 46 mille unités (8 mille médecins et 13 mille infirmières).

Selon la Fédération nationale des professions infirmières, en 2023, nous aurons 58 000 infirmières de moins. En 2028, environ 71 000 de moins. En 2025 la fédération prévoit une pénurie de 16 500 médecins. Mais en quoi ont été investis les plus de 37 milliards d’euros qui ont disparu des dépenses destinées au système de santé? 70% ont été investis dans la défense: 90 chasseurs-bombardiers F35 ont été achetés pour 14 milliards, (pour chacun desquels ont été investis 185 millions, soit le même coût que 5 000 systèmes de ventilation pulmonaire).

Ce que nous nous attendons certainement désormais, c’est que la communauté scientifique se mette au service de la santé publique pour que la recherche puisse conduire à un progrès des connaissances sur l’anéantissement du virus, que des tests soient faits au plus grand nombre possible afin de pouvoir contrôler et prévenir la progression des infections, que des hôpitaux privés soient mis à la disposition de toutes et tous et que des sommes importantes soient investies dans la recherche médico-scientifique et dans le renouvellement des structures et des équipements médicaux disponibles.

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Le temps des décrets fut sans aucun doute l’ère des « sacerdotes des hashtags » et de leurs fidèles.
C’était le moment où toute réflexion collective sur ce qui se passait était combattue, mal vue, interdite. On priait et on se prosternait devant un symbole le vénérant comme un totem: #

Les profils sociaux ont été transformés en « boucheries sociales » et les gens étaient heureux de pouvoir contribuer à la « chasse aux sorcières » contre ceux/celles qui pouvaient selon eux transmettre la maladie. Ils étaient vraiment impatients de brûler les sorcières sur le bûcher et de reprendre tous ces petits plaisirs de l’exécution publique auxquels seule une plaisanterie du registre d’état civil les avait empêchés de participer. Ils avaient soif de coupables et se poussaient les uns les autres dans les rangs virtuels pour rejoindre l’Armée royale des décrets. Ils rivalisèrent pour se montrer « plus royalistes que le roi ». Un recrutement continu de bataillons de professionnels de la persuasion et d’espions.
Les véhicules blindés de l’Empire battaient les rues pour diffuser la parole du Décret. Le ministère de la Propagande de l’Empire se demandait comment proposer le nouvel ennemi. Ce n’était pas une chose simple; cette fois, l’ennemi était invisible et évanescent, il ne pouvait pas être affiché à la télévision ou sur le web. Cependant, il était nécessaire de trouver une solution et de le faire rapidement car il y avait un risque sérieux que quelqu’un puisse désigner l’Empire lui-même comme prochain ennemi. Jusque-là, le danger contre lequel faire front était fait de chair, d’os, de sang mais avec une carte d’identité d’une autre partie du monde.

À ce stade, l’idée est venue d’elle-même: votre nouvel ennemi sera vous-même! La foule des réseaux sociaux a applaudi avec enthousiasme. L’un après l’autre, les ennemis publics ont été identifiés, jugés sommairement, finalement exécutés et jetés dans les fosses communes. C’était le sort de ceux qui n’avaient pas encore compris que la façon de regarder le monde avait changé avec les décrets et la grammaire avait changé avec lui. Il n’était plus permis de conjuguer des verbes à six personnes; c’était une utilisation obsolète et irresponsable de l’évolution sociale de la langue. Seules deux personnes sont restées en vigueur: la première et la dernière. Moi et eux.

Ils rentrent chez eux en train.
Je reste à la maison et je les insulte.
Ils sortent.
Je les enregistre avec le smartphone.
Ils propagent la maladie en respirant le même air que moi.
J’avertis la police.
Ils travaillent dans les hangars.
J’achète sur Amazon.
Ils meurent en prison.
Je dis qu’ils le méritent.
Ils ramènent les marchandises à la maison qui m’aide à passer le temps.
Je leur ouvre mais ils doivent rester loin de moi car ils sont tous entassés dans les entrepôts.
Ils travaillent quatorze heures dans les hôpitaux.
J’applaudis depuis les balcons.
Ils meurent.
Moi non.
Je meurs.
À cause d’eux.
Grâce à cette participation assidue et à ces rassemblements sociaux, l’Empire du décret n’a pas jugé nécessaire de prendre de nouvelles mesures. Le système aurait tenu. Il n’y avait aucune raison de faire passer la sécurité sanitaire collective avant la répression individuelle. De petites voix au loin encourageaient la propagation du mécontentement face aux conditions dans lesquelles étaient réduites les structures publiques ; ils se demandent pourquoi un plan collectif de traitement et de prévention n’avait pas été mis en place; le besoin de vérité sur l’origine de l’épidémie s’insinuait ; ils se demandaient comment pouvaient vivre à douze dans une pièce. Toutes ces voix rampaient dans le sou-sol. On sentait la terre trembler légèrement, comme au passage d’une rame de métro sous les barrages de police.
Pourtant, la fureur ne changeait pas : la faute est de ceux qui ne restent pas chez eux, encourageait la télévision.
Bien que l’Empire du décret ait eu des mois entiers pour prévenir et planifier la catastrophe, il choisit délibérément de faire en sorte que la population ne soit pas préparée. Les faibles tombèrent comme des mouches. La faute était entièrement et uniquement de ceux qui ne restaient pas chez eux. Je dois me sauver, je dois sauver ma famille et peu importe si les gens doivent continuer à travailler, s’ils sont en prison ou si elle est seule et elle n’a personne pour l’ aider.

Les ressources étaient rares. Les masques étaient introuvables.
Une poignée d’organismes désormais modifiés par les pluies acides et le changement climatique dépoussiérerait des vieux masques à gaz d’une cave. Ils étaient peu nombreux et poussiéreux mais fonctionnaient toujours.
Ils les enfilèrent à tour de rôle pour échapper à la dictature des réseaux sociaux, aux sacerdotes des hashtags et à la première personne du singulier.
Ils les enfilèrent à tour de rôle, une heure par jour, pour essayer de respirer.
Conspirer signifie respirer. Ensemble.

 

#èORAdaria_1 // Insert Coin 

Daria mit le masque sur le rebord de la fenêtre, attacha ses cheveux violets avec une bande élastique et ferma la fenêtre juste au moment où Rudy franchissait le seuil, plus essoufflé que jamais. Il était essoufflé pour avoir monté les escaliers en courant. Il était sorti pour acheter quelque chose au supermarché sri-lankais après la place et en avait profité pour sonder les toits des bâtiments voisins, encore une fois dans l’idée d’y placer une antenne et d’y faire une radio. Une patrouille militaire de l’Empire a commencé à le pourchasser mais heureusement, il était à pieds; il s’est réfugié dans un immeuble pendant plus d’une heure avec la crainte qu’un voisin-vigilant le dénonce ou le filme avec un smartphone.
«Merde désormais on dirait un jeu vidéo», me dis-je presque.
« On se faisait du souci pour toi, Rudy, » dit Maz, en se grattant le bras écailleux avec ses ongles. C’est la première fois aujourd’hui qu’il lève la tête de l’ordinateur.
 C’est bien que nous soyons un gang mais tout le monde est libre de faire ce qu’il veut et il y tient à cette histoire d’antenne, je le défends. Nous avons rassemblé du matériel mais nous ne savons toujours pas quelle est la meilleure façon de le faire circuler et il essaie de nous sortir de cette situation.
Daria a lu les choses que j’ai écrit ce matin, mais elle ne me semble pas convaincue; elle se leva sans un mot, prit le masque et alla au rebord de la fenêtre pour regarder dehors. Peut-être qu’elle voit des choses que nous ne pouvons pas voir, ou elle était juste anxieuse pour Rudy qui ne revenait pas.
Pendant ce temps, dans la pièce, le silence n’est rompu que par la respiration irrégulière de Rudy qui tente de récupérer et par le pianotement de Maz sur les touches du clavier.
«Lis-moi ce que t’as écrit» – me dit-il en se levant du bureau et en portant le masque – «mais lis lentement , déjà quand tu parles on comprend que dal»
Je lui montre le troisième doigt et je m’allume une cigarette.

À une époque, pour indiquer un événement sur lequel l’homme n’avait aucun contrôle ou responsabilité, nous aurions utilisé le concept de « phénomène atmosphérique ». L’accélération de ces dernières années du changement climatique et toutes les conséquences liées à l’action humaine nous obligent à revoir cette expression.
De la même manière, nous pensons qu’il est très difficile d’attribuer la propagation de l’épidémie de CoVID-19 à des éléments strictement «naturels».
À la lumière de ce que nous savons actuellement, cet auto-acquittement humain est totalement démotivé et hors de propos puisque la pandémie de ces heures n’est que le résultat de la susmentionnée exploitation de la planète.
La réflexion collective sur ce qui gravite autour de nous n’a pas été simple. Notre gang a dû porter des masques et errer parmi des complots de toutes sortes sur la naissance et la propagation du virus (dont nous aurions pu rapporter une anthologie hilarante, s’il n’y avait pas des milliers de morts impliqués), la paranoïa collective et des articles pour lesquels la seule consolation était leur nature numérique qui évite toute dispersion inutile de papier et d’encre.
L’OMS a identifié le nom définitif de la maladie, CoVID-19, tandis que la Commission Internationale de la Taxonomie des Virus a attribué au virus le nom de SRAS-CoV-2. Il s’agit, en fait, d’un virus très similaire à celui du SRAS si ce n’est pour deux caractéristiques: une plus grande contagiosité et, heureusement, un taux de mortalité plus faible.

Cette distinction est appropriée car jusqu’à présent on a parlé que de la maladie, de plus, en la confondant avec le virus. Cette prémisse explique également pourquoi nous participons maintenant au débat sur le SRAS-CoV-2 dont nous nous étions quelque peu tenus éloignés. La discussion sur le virus-maladie semblait impliquer l’impossibilité de raisonner sur tout ce qui entourait l’épidémie, comme les émeutes dans les prisons ou les grèves sauvages dans les usines et les entrepôts, ne restant lié qu’au mot d’ordre « Je reste à la maison ».
Comme de nombreuses autres maladies qui l’ont précédé, la CoVID-19 aussi est arrivée à l’Homme par le biais des animaux. Au cours des dernières décennies, les maladies qui ont cette origine sont nombreuses et sont donc appelées zoonoses.
L’histoire de la zoonose commence lorsque le virus saisit l’occasion de se propager d’une espèce à une autre. En effet, il arrive qu’un virus puisse vivre à l’intérieur d’un animal pendant des décennies sans en provoquer la mort. Cependant, lorsque le virus en a l’occasion, il «déborde» d’un organisme à un autre, infectant une nouvelle espèce. Le moment où un virus passe d’une espèce hôte à une autre est appelé spillover.
La rage, la leptospirose, l’anthrax, le SRAS, le MERS, la fièvre jaune, la dengue, le VIH, Ebola, le Chikungunya et les coronavirus sont zoonotiques, mais aussi la plus répandue grippe, juste pour en citer quelques-unes. Simplement en lisant les noms des maladies, nous réalisons la familiarité que nous avons avec ces noms. La raison est simple : pratiquement plus du 70% de celles qui ont affecté les humains au cours des 30 dernières années sont d’origine zoonotique et on imagine que la situation ne fera qu’empirer au cours des prochaines années. Pour ces raisons, l’OMS avait également averti les différents pays en 2018 de se préparer à une probable pandémie d’origine zoonotique. Il est clair que les gouvernements italiens (de toutes bords) ont préféré continuer à démanteler et à démembrer systématiquement la santé publique plutôt que de la renforcer pour faire face à une éventuelle « urgence ».

Ceci dit, on se demandera: mais si toutes ces maladies proviennent d’animaux, quelle est la faute de l’être humain? Pour répondre à cette question, un éclaircissement supplémentaire est nécessaire. Ce n’est pas possible d’attribuer la responsabilité entièrement à l’être humain , il faut attribuer cette responsabilité au système de production actuel, coupable de favoriser de manière décisive les conditions qui provoquent le passage du virus d’une espèce à l’autre.
Voici les conditions.
La principale raison de la propagation progressive du développement des maladies zoonotiques est la destruction systématique de la planète.
La déforestation et l’urbanisation réduisent les habitats des espèces animales porteuses de virus et les obligent à entrer en contact avec l’Homme. De la même manière, la perturbation de l’écosystème qui favorise la disparition d’espèces entières « oblige » le virus à se trouver un nouvel organisme pour survivre et l’être humain, avec ses 7,7 milliards de spécimens sur la planète, est certainement une cible facile.

Les changements d’utilisation des terres et la destruction des habitats naturels sont considérés comme responsables d’au moins la moitié des zoonoses émergentes. L’urbanisation incontrôlée des zones forestières a été associée à des virus transmis par les moustiques, mais pas seulement. Des millions d’espèces qui seraient en grande partie inconnues de la science vivent dans les forêts tropicales. Parmi ces millions d’espèces inconnues se trouvent des virus, des bactéries, des champignons et de nombreux autres organismes, dont beaucoup sont des parasites. Ebola, Marburg, Lassa, la variole du singe et le précurseur du VIH sont un minuscule échantillon de la myriade d’autres virus non découverts. La fonte des glaciers risque également de libérer des bactéries et des virus qui font désormais partie du passé et pour lesquels il n’existe actuellement aucun anticorps ni vaccin.
Les dernières analyses montrent qu’il existe deux souches frères du virus auquel nous sommes confrontés, appelées Type I et Type II. Nous ne connaissons toujours pas l’origine du premier, alors que nous savons que le second s’est propagé du tristement célèbre marché de Wuhan. Les marchés aux animaux sont de plus en plus souvent à l’origine de la propagation des contagions et des spillovers, notamment ceux où on y vend de la viande d’animaux exotiques, qui est considérée comme un bien de luxe et de bien-être. Bien que tout cela soit absolument vrai, n’oublions pas, cependant, que certaines des maladies qui ont infecté les humains dans un passé récent, comme la grippe porcine et aviaire, proviennent des élevages intensifs.
De même, l’utilisation intensive de médicaments dans l’élevage intensif de bétail a conduit à l’apparition de souches de Salmonella. En général, les pratiques zootechniques intensives peuvent faciliter le spillover (débordement) d’agents pathogènes, conduisant à des zoonoses nouvelles et dangereuses, telles que le SRAS et les nouvelles souches de grippe.
Par conséquent, lorsque l’urgence sera réduite et que le cercle autour des vendeurs de rue ou des marchés se resserrera, ajoutant au « décor » également le concept de « santé », mais utilisé en termes terroristes, rappelez-vous que la majorité de la viande qui nous mangeons provient de l’élevage intensif.

En résumé: la déforestation, l’augmentation de la température de la terre et des mers, l’extinction de dizaines de milliers d’espèces, la fonte des glaces, la pollution des océans, l’exploitation intensive des terres et des animaux sont toutes de causes de propagation de virus des animaux aux humains.
À partir de ces exemples brefs et simples, l’urgence d’un changement de cap pour éviter l’apparition de ce que les scientifiques appellent le Big One, c’est à dire une épidémie aux proportions inimaginables et comparable uniquement à la peste bubonique qui au Moyen-Âge a diminué d’un tiers la population européenne, apparaît claire.
L’urgence de ce changement de cap est encore plus évidente si l’on tient compte de ce qui est soutenu dans l’IPBES ( Intergovernamental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services du ONU ). Dans le rapport de l’IPBES, le terme pour définir l’action destructrice de l’homme sur la nature est « unprecedented », sans précédent. Selon le rapport, 75% de l’environnement terrestre et environ 66% du milieu marin ont été considérablement modifiés et environ 1 million d’espèces animales et végétales, comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité, risquent de disparaître.
Comme nous l’avons dit dans l’introduction – cette partie c’est Maz qui me l’a fait ajouter – tout cela se produit en raison de la brutalité avec laquelle, au nom du profit de quelqu’un, la planète et tous ses habitants sont exploités. Il est bien évident, en effet, que le système de production dans lequel nous vivons s’approprie et exploite les êtres humains et la terre avec le même brutalité arbitraire sans se soucier de la survie ni des uns ni de l’autre.
Nous devons cesser de penser que la catastrophe, la destruction de la planète se produira soudainement dans un fatidique jour J. La catastrophe est déjà sous nos yeux. Le changement climatique, les extinctions et les pandémies sont désormais notre réalité. La catastrophe est déjà en marche.
Maintenant, nous n’avons pas d’autre choix: mettre fin au capitalisme ou mettre fin à l’humanité.

Ils restent tous en silence, aucun commentaire. Daria semble absorbée par d’autres pensées.
« Alors? » Je demande après un moment.
Rudy répond en premier:
« Ça me va, mais peut-être à la radio ce serait un peu trop long. » Son bras écailleux reflète les teintes irisées du coucher de soleil qui s’infiltre par la fenêtre.
« Mais qui a dit que nous devons le lire à la radio, c’est quand que ça a été décidé? »
« Laisse tomber, nous y penserons demain de toute façon il faut encore un peu de temps pour le Game Over. »
Il se jette sur le canapé, prend la télécommande et allume le téléviseur. Sur toutes les chaînes passe le même programme.